Je roule sans me soucier d’une quelconque destination. Je roule pour échapper à la pluie. Au froid. A la tristesse de mon appartement. Je roule pour ne pas être une de ces femmes qui s’enferme à double tour chez elle et se saoule en regardant la télévision. Une de ces femmes qui s’oublie devant la télévision. Qui n’existe plus dans le regard des autres. Qui n’existe plus pour elle même. Je me laisse emplir par la sensation de rouler. Je ne pense plus à rien et je suis bien. KATHARINA (dans KATHARINA)

vendredi 31 décembre 2010

Journal, épisode 6

Jean-Louis Johannides
Jour 10 - Salle Caecilia
Je ne vais à Caecilia qu'à 19h30. Ce soir, c'est le premier bout à bout. Un bout à bout, c'est comme son nom l'indique une mise à la suite des différentes scènes du texte pour avoir une première idée d'à quoi pourrait ressembler le spectacle. Autant dire que c'est plutôt difficile, long, décousu, sans véritable colonne vertébrale. Je me demande par moment ce que je fais là. Je prends des notes sur chacune des scènes. Par moment, j'attends que ça passe. Ce n'est pas que c'est mauvais. C'est tout simplement pas ça. Je dis avec la conscience que les premiers bout à bout sont souvent catastrophiques. Ce n'est donc pas grave si celui-là l'est. Ça fait parti du jeu. Le plus important est de savoir quoi en faire et de ne pas rester sur un sentiment d'échec. Et puis, il y a toujours des choses à sauver, quelques pistes qui émergent qu'il faut continuer à explorer. Au final, je ressors plutôt détendu de cette expérience. Rentré à la maison, je revois mes notes avant de les envoyer par courriel à Anne. Elle y répondra le lendemain matin en allant le plus souvent dans le même sens que moi.

Jour 11 - Salle Caecilia
Deuxième bout à bout ce soir. Stephanie m'appelle 15 minutes seulement avant qu'il commence. Évidemment je suis en retard. J'arrive à 19h04. La première scène a déjà débuté. Il faut que je m'installe. Sorte mon ordinateur. Mon texte. J'ai l'impression de faire un bruit d'enfer. Je m'attends à chaque seconde qu'Anne me dise d'arrêter de bouger. Je me sens comme un enfant. Le silence a tellement été sacralisé au théâtre. Je l'ai tellement intégré que je me sens presque coupable de respirer. Je comprends très vite que ce soir, ce sera complètement différent d'hier. Après la première scène, il devrait y avoir une des scènes de l'auteur. Mais je me retrouve avec un bout de la scène des voisins puis celle que j'ai nommée Les Blorna font du ski. Je décide de ne prendre aucune note ce soir. De simplement écrire l'agencement des scènes qu'a choisi Anne. Les scènes défilent avec la récurrence de la scène des voisins. Je me dis qu'Anne a supprimé les scènes de l'auteur. Je me demande comment je dois réagir si c'est le cas. Je finis par conclure que ce n'est pas grave. C'est à ce moment que Jean-Louis entame justement le texte de l'auteur. C'est beaucoup plus simple et direct que toutes les dernières propositions. Le texte file plus vite. L'humour est plus présent. C'est incontestablement plus intéressant. Les scènes de Tötges ont intégré une caméra. Julien qui joue Töges me prend comme cobaye pour la première scène. Je vois mon visage mal rasé et fatigué sur grand écran. Je suis à la limite de repousser Julien. J'accepte néanmoins cette épreuve pour le "bien" du spectacle. Si c'est la solution choisie, il faudra que Julien sente bien les spectateurs pour éviter de les laisser développer un malaise inutile. Malgré tout, je ne peux m'empêcher de penser que ce dispositif sert la thématique de la pièce et que l'utilisation de la caméra relie les années 1970 à aujourd'hui. Je suis progressivement séduit par cette proposition de nouvel agencement des scènes. J'ai la sensation que tout est plus clair. La récurrence de la scène des voisins est une bonne piste. Au final, le bout à bout a duré 20 minutes de moins que la veille. Soit deux heures. Ce qui laisse présager un spectacle 1h45.
Après un conciliabule avec son équipe, Anne donne quelques notes aux comédiens. Je les sens plutôt fatigués. Anne décide de ne pas travailler le lendemain. La reprise se fera donc le 3 janvier sur le plateau de la Comédie avec le texte parfaitement su s'il vous plait. Nous quittons la salle Caecilia après avoir trinqué avec un délicieux spumante. Fin de la première partie de l'aventure. C'est maintenant sur le plateau que tout va se jouer. Il y a encore beaucoup à faire.      
Anne-Marie Delbart, Jean-Louis Johannides

Gilles Tschudi, Céline Bolomey

Jean-Louis Johannides, Coraline Clément

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