Je roule sans me soucier d’une quelconque destination. Je roule pour échapper à la pluie. Au froid. A la tristesse de mon appartement. Je roule pour ne pas être une de ces femmes qui s’enferme à double tour chez elle et se saoule en regardant la télévision. Une de ces femmes qui s’oublie devant la télévision. Qui n’existe plus dans le regard des autres. Qui n’existe plus pour elle même. Je me laisse emplir par la sensation de rouler. Je ne pense plus à rien et je suis bien. KATHARINA (dans KATHARINA)

vendredi 17 décembre 2010

Journal, épisode 1

Jour 1 - Studio de la Comédie
Nous commençons par une séance photo. C'est Hélène Tobler qui se charge de faire les portraits des comédiens et de moi. Comme toujours, je déteste être pris en photo. Si j'écris et ne suis pas comédien, c'est bien parce que je peux me cacher derrière mes textes. Hélène plaisante avec moi sur le sujet. Elle aussi n'aime pas être prise en photo.
Julie Cloux, Anna Heck, Anne Bisang.
J'ai l'impression d'être sur un tournage de film. Il y a une très longue attente avant que la répétition débute véritablement. Je m'impatiente un peu. Heureusement Gilles Tschudi, qui sera le commissaire Beizmenne dans la pièce, me raconte quelques-uns de ses souvenirs de jeune adulte dans l'Allemagne des années 70. Sa vie dans une maison habitée par des sympathisants de la Fraction Armée Rouge. Ses premières manifestations. Son départ à 17 ans pour le Mozambique au moment de son indépendance.
Lecture du texte enfin. Certains ont déjà le ton très assuré. Pour d'autres, c'est plus difficile. J'en profite pour apporter quelques modifications au texte. Il est par moment un peu trop bavard. Il s'agit de couper quelques phrases pour laisser plus de place au jeu des comédiens.
Nous nous quittons vers 18h. Finalement la journée a été courte. Sensation d'inachevé.


Jour 2 - Studio de la Comédie
J'ai l'impression que nous rentrons véritablement dans le vif du sujet. Nous reprenons la lecture de la pièce au début. Nous nous arrêtons à la fin de chaque scène. Anne en précise sa vision. Je suis là pour pointer quelques éléments importants. Je continue de couper le texte. C'est parfois peu de chose. Mais j'ai remarqué qu'enlever trois ou quatre mots suffit souvent à donner plus de force à un passage. Les silences, les espaces entre les mots prennent plus d'importance, deviennent des éléments du dialogue.
Je suis content de remarquer que le texte tient le coup. Il plie un peu par moment. Mais il est toujours debout.
La question du terrorisme fascine les comédiens. Ce n'est pourtant pas le sujet principal de la pièce. C'est plutôt son enveloppe. Son contexte. Je suis amené à apporter quelques précisions sur la Fraction Armée Rouge. Sur Andreas Baader. Sur Ulrike Meinhof. Il est important de prendre garde à ne pas mettre cette question du terrorisme trop en avant. Je ne peux pas reprocher aux comédiens leur intérêt. Je suis moi-même pleinement baigné dans cette question du terrorisme des années 1970. Que faire après l'échec de tous ces mouvements armés ? Quelle utopie proposer ?

Jour 3 - Mon appartement
Jean-Luc Marchina, le vidéaste du spectacle, a pris rendez-vous à la maison pour me filmer. Je ne suis pas très emballé par sa proposition. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée de trop personnifier le texte de l'auteur dans la pièce. J'ai l'impression que cela mettrait l'ensemble à distance. Je me prête néanmoins à cette épreuve. Il est important de rester ouvert. J'estime qu'il sait ce qu'il fait.
Je lui propose de filmer aussi mon chat, Barnabé, ce qu'il accepte. C'est assez étrange. Depuis longtemps, je me dis qu'il faudrait que j'intègre mon chat à un spectacle et là, ce sera peut-être le cas. Jean-Luc parle de lui comme du huitième acteur. Barnabé a le sens de la caméra. De l'image. Il m'énerve.

Jour 3 - Studio de la Comédie
Julien George, Julie Cloux.
Nous continuons la lecture du texte. L'ambiance se détend. Les échanges deviennent plus conviviaux. Je m'aperçois, ce dont je me doutais, que la plupart des questions de la pièce touche intimement les comédiens. C'est une bonne chose. Cela leur permettra plus facilement de s'approprier la matière du texte quand ils commenceront le travail sur le plateau.
Stephanie Janin, qui fait office de dramaturge avec moi, apporte quelques éclairages très intéressants sur mon texte. Des éléments auxquels je n'avais pas pensé et qui pourtant me semblent très juste. En particulier sur la question du pouvoir dans la pièce et sur la faculté de Katharina de révéler aux autres personnages leur rapport au pouvoir.
Au cours d'une pause, je fais une petite visite sur la plateau de la Comédie. L'équipe technique est déjà en train de mettre en place les premiers éléments du décor. C'est assez émouvant. Je voudrais immortaliser ce moment en photo. Mais je suis incapable d'allumer mon appareil. C'est normal. Je me suis trompé d'emplacement pour le bouton marche/arrêt. La technologie n'est pas avec moi.

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