Je roule sans me soucier d’une quelconque destination. Je roule pour échapper à la pluie. Au froid. A la tristesse de mon appartement. Je roule pour ne pas être une de ces femmes qui s’enferme à double tour chez elle et se saoule en regardant la télévision. Une de ces femmes qui s’oublie devant la télévision. Qui n’existe plus dans le regard des autres. Qui n’existe plus pour elle même. Je me laisse emplir par la sensation de rouler. Je ne pense plus à rien et je suis bien. KATHARINA (dans KATHARINA)

vendredi 31 décembre 2010

Journal, épisode 5

Jean-Luc Marchina, Jean-Baptiste Bosshard, Jonathan O'Hear
Jour 7 - Salle Caecilia
Travailler dans l'institution et pas dans le théâtre indépendant présente de nombreux avantages. Un des plus importants, c'est la possibilité offerte de travailler très tôt avec toute l'équipe de création du spectacle. Depuis pratiquement les premiers jours de répétitions, Jean-Luc (vidéo), Jean-Baptiste (son), Jonathan (lumières) sont présents. Ils ont entamé à leur manière un dialogue avec le texte, avec les comédiens, avec Anne. Ce confort qu'offre l'institution est à préserver. Cette possibilité de ne pas travailler toujours avec des bouts de ficelle et dans l'urgence. C'est ce qui m'avait touché dans ma résidence la saison précédente à la Comédie. C'est un formidable réservoir de compétence. Pouvoir discuter avec l'équipe technique. Comprendre leur vocabulaire. Leur manière de travailler. Malgré cette enthousiasme, je dois convenir que je suis assez discret et que mes échanges avec Jean-Luc, Jean-Baptiste et Jonathan se limitent le plus souvent au strict minimum.

Jour 8 - Salle Caecilia
Le début de la journée est consacrée à la première scène. Anne a décidé d'évacuer tout réalisme dans le traitement de la scène. L'axe central de cette première scène est l'irruption du monde extérieur dans l'univers de Katharina avec toute la brutalité que cela implique. Katharina est dans sa cuisine. Elle prend son petit déjeuner. Elle glisse sur plusieurs stations de radio avant de s'arrêter sur une qui diffuse du Mozart. La police fait irruption chez elle et brise l'harmonie. Anne demande à Jean-Louis de lire les didascalies sur scène. Les différentes voix de la radio sont aussi prises en charge par les comédiens sur scène. L'irruption de la police dans l'intérieur bien rangé de Katharina se fait juste avec deux comédiens qui se déplacent sur un mode proche du slow motion. Pour l'instant, je ne sais pas quoi penser de ce traitement. Je ne comprends pas dans quelle mesure, il met en scène cette irruption de brutalité dans la vie de Katharina, élément fondamental dans la compréhension de la suite de son parcours. Pendant que j'écrivais encore le texte, nous avons beaucoup discuté avec Anne sur les écueils à éviter avec cette scène. Mes premières versions du texte n'étaient que de pales copies de film de série B. Le théâtre ne pourra jamais rivaliser avec le cinéma. Il doit agir sur d'autres terrains. Pour autant, faut-il pousser la déconstruction jusqu'à une extrême stylisation ? A qui parlons-nous ? Le temps nous dira si la piste élaborée par Anne est concluante.
Pendant toute la journée, Jean-Luc fait de nombreux essais avec la vidéo. Pour garder une trace, il prend régulièrement des photos. Par moments, il monte sur le plateau pour repositionner les caméras. Il est très actif. On dirait un enfant. Il a quasiment en permanence un léger sourire sur le visage. C'est un plaisir de le regarder travailler. Chercher. Peu importe que ces propositions me laissent parfois sceptiques. L'utilisation de la vidéo sur une scène de théâtre est toujours problématique. Comment ne pas être redondant ? Comment utiliser un média pour ce qu'il véhicule de sens spécifique ? Allez. Il reste du temps pour répondre à toutes ces questions.

Jour 9 - Salle Caecilia
Anne propose aux comédiens de mixer deux scènes de la pièce. De les jouer de manière simultanée. Elle dicte un découpage très précis. Cette proposition n'est pas juste une lubie de metteur en scène tout puissant. Les deux scènes se déroulent dans le même espace (le commissariat) quasiment en même temps. Ainsi à la confrontation entre le commissaire Beizmenne et Else, la tante de Katharina répond le dialogue entre Katharina et Pletzer. A la discussion politique répond la thématique de l'honneur perdu. Les premiers essais sur le plateau, même s'ils sont assez laborieux dans la mise en place, sont concluants. 
Plus je regarde les répétitions, plus j'ai l'impression que la pièce pourrait se passer de décor. Qu'il s'agit avant tout de la confrontation de corps sur scène. D'une lutte permanente. Accepter ou non la fiction que nous propose les puissants. Par moments, ça me pèse de voir toujours les comédiens s'assoir ou se lever des chaises de ce commissariat made in 1974. Trop souvent, ils adoptent l'attitude typique qu'on attend d'eux dans ce genre d'espace. C'est à dire qu'ils se conforment à un certain univers télévisuel ou filmique. Leurs poses, leurs mouvements me renvoient à un imaginaire que je n'ai pas envie de voir au théâtre. Disons plutôt que cela manque pour moi de distance critique. Travailler sur des codes n'est pas un problème, il faut savoir ce que nous en faisons.
Gilles Tschudi, Anne-Marie Delbart

Julie Cloux, Céline Bolomey

Julie Cloux, Jean-Louis Johannides, Céline Bolomey


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire