Je roule sans me soucier d’une quelconque destination. Je roule pour échapper à la pluie. Au froid. A la tristesse de mon appartement. Je roule pour ne pas être une de ces femmes qui s’enferme à double tour chez elle et se saoule en regardant la télévision. Une de ces femmes qui s’oublie devant la télévision. Qui n’existe plus dans le regard des autres. Qui n’existe plus pour elle même. Je me laisse emplir par la sensation de rouler. Je ne pense plus à rien et je suis bien. KATHARINA (dans KATHARINA)

samedi 8 janvier 2011

Journal, épisode 6

Jour 12 - Plateau de la Comédie
Nous sommes le 3 janvier et nous sommes enfin réunis sur le plateau de la Comédie. C'est une nouvelle aventure qui commence. La première tache est d'apprivoiser l'espace. De comprendre comment fonctionne ce plateau avec toute sa machinerie. L'équipe technique s'est fortement renforcé avec la présence d'une partie du personnel permanent de la Comédie. C'est vraiment tout un petit monde qui doit apprendre à travailler ensemble. Edwige est la fée qui se charge d'organiser les déplacements du décor sur le plateau. C'est assez impressionnant de voir le plateau s'ouvrir en deux et l'appartement de Katharina Blum progressivement glisser vers nous. On a l'impression d'être face à Moïse qui par la grâce de Dieu a fait s'écarter la Mer Rouge. Un nouvel espace, c'est aussi une nouvelle appréhension du son. Les comédiens doivent maitriser leur voix sur le plateau. L'espace la modifie. Il y a des endroits du plateau où il suffit de parler simplement pour les derniers rangs de spectateurs puissent entendre le texte. Et d'autres endroits où la voix doit être poussée. C'est tout un apprentissage. Car la voix par sa texture, sa tonalité est presque autant porteuse de sens que les mots en eux-mêmes.

Dominique Falquet
Jour 13 - Jour 14 - Studio de la Comédie
J'ai décidé de délaisser un peu les répétitions proprement dite et de seulement profiter du training physique proposé par Dominique. C'est un training à base SaoLim, un art martial qui sauf erreur de ma part provient de Malaisie. C'est en tout cas, dans ce pays que Dominique a été formé. Après une heure de training intensif, je me sens un peu démuni. J'ai un sens de la coordination profondément limité. S'il m'est facile de taper vite un texte sur un ordinateur, je n'en dirai pas autant sur ma capacité à enchainer deux ou trois mouvements différents. Néanmoins c'est un moment passionnant. Je continue de penser qu'un comédien doit parfaitement maitriser son outil corporel. Car la tenue dans l'espace, la manière d'aborder le plateau disent souvent plus que n'importe quel texte.

Jour 15 - Plateau de la Comédie
Anne continue d'essayer de trouver un agencement qui lui convienne pour les scènes. Ce soir, les dix premières scènes de ce nouvel agencement sont passées en revue dans un enchainement par moments intense en d'autres très relaché. C'est évidemment comme un nouveau spectacle par rapport à la salle Caecilia. Le vrai décor est là maintenant. Je suis particulièrement séduit par la mise en place de la scène entre Else et Konrad. Il y a une sobriété qui donne tout son sens à la scène. Personnellement je ne chercherais pas à faire de Konrad un personnage ridicule. Car s'il est ridicule ou drôle, c'est par ce qu'il dit, non pas du fait de son attitude physique ou de sa manière de parler. Mais tout cela peut encore changer. L'absence de la scène des voisins me manquent profondément dans ce début. Je sais qu'Anne a choisi de la placer plus tard. Mais c'est comme s'il me manquait des éléments pour mieux comprendre la trajectoire de Katharina. Pour autant, même si je ne suis pas d'accord avec ce qui est fait et que je le signale parfois, je continue de laisser une entière liberté à Anne et aux comédiens. Je ne suis que le spectateur de cette histoire, un spectateur actif mais un spectateur quand même. Je suis en train de cristalliser le texte dans une version qui me convienne pleinement. Je n'y intègrerai pas les changements et les nouvelles coupes déjà faites ou à venir pour lesquelles je n'ai pas été consultées.
Je suis attentif au travail vidéo de Jean-Luc. Son homme primitif apparait de plus en plus souvent dans les scènes. Il y a quelque chose de l'ordre de l'inconscient qui agit avec ce personnage. Pour ma part, j'ai l'impression d'y voir la manifestation de notre mauvaise conscience. Son omniprésence rend les scènes très étranges et même inquiétantes. Les premières fois que Jean-Luc l'a utilisé, je trouvais ça plutôt anecdotique. Mais la récurrence de ses apparitions ont transformé la donne. Par contre, malgré mon amour profond pour mon chat, je ne suis pas forcément persuadé qu'il ait sa place en vidéo pendant les scènes de l'auteur. Il faut parfois sacrifier ce qu'on aime pour le bien du spectacle.
L'univers sonore mis en place par Jean-Baptiste est très prometteur et cohérent. Il y a une scène où je trouve son travail très particulièrement subtile. C'est pendant une des scènes d'interrogatoire de Katharina où elle décrit ses errances en voiture.

Jour 16 - Plateau de la Comédie
Je sens en arrivant peu avant 20h que la journée a été difficile. Plusieurs personnes me le disent. Je ne cherche pas à savoir ce qui s'est passé exactement. Au final, ça ne m'intéresse que moyennement. Ce qui m'inquiète un peu plus, c'est de savoir que du coup, ils n'ont que peu avancé et qu'il n'y aura pas de bout à bout de la deuxième moitié du spectacle. Juste un enchainement de quatre scènes dont celle très raccourcie des voisins. Son traitement en vidéo et masqué comme pour le carnaval est très réussi. J'ai un peu le blues ce soir comme si je ressentais un peu l'état émotionnel d'une partie de l'équipe. Ils sont censé travailler les scènes suivantes. Tout est très laborieux. Finalement la répétition s'arrête assez subitement alors que je m'apprêtais à partir. Je me retrouve dans la loge des comédiens à trainer sans trop savoir pourquoi et à prendre des photos. C'est un peu irréel comme moment et en même temps très beau. Anne-Marie nous montre des masques qu'elle se proposait d'utiliser. Il y a comme un défilé étrange de personnes masquées. Les conversations vont et viennent sur un rythme un peu décousu. Je finis par me lever et partir. Je ne reviendrai pas avant pratiquement un semaine. Lundi matin, départ pour Paris et d'autres activités.
Julien George, Jean-Louis Johannides

Julie Cloux

Valérie Oberson, Edwige Dallemagne, Jean-Louis Johannides

Jeanne Pasquier


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